Article 29.1.
Introduction.
Le désir de domination est une force puissante qui peut influencer les comportements humains dans divers contextes, qu’il s’agisse de relations interpersonnelles, professionnelles ou sociales. Si ce désir peut parfois être perçu comme une quête naturelle de pouvoir ou d’autorité, il peut aussi devenir problématique lorsqu’il est poussé à l’extrême, affectant la santé mentale et les dynamiques relationnelles.
En tant que docteur en psychologie, il est crucial de comprendre les racines psychologiques du désir de domination, ses manifestations, et ses implications pour mieux accompagner ceux qui en souffrent ou qui en sont victimes.
Le désir (ou souhait) ?
Selon le Dictionnaire international de psychanalyse, écrit sous la direction de Alain de Mijolla, « le désir est une motion psychique d’origine interne visant à obtenir une satisfaction interdite ou bien de retrouver une jouissance première dont la trace est inconsciemment fixée.
(…) A partir de l’Interprétation des rêves( S. Freud, 1900), au chapitre VII en particulier, l’accent est mis progressivement sur une définition plus précise du désir qui va devenir déterminante dans la psychanalyse. L’analyse du rêve révèle en effet qu’il est dû à des traces mnésiques inconscientes qui se sont fixées lors des premières expériences de satisfaction.
Le désir vise à rétablir le plaisir alors éprouvé en suivant les voies tracées par les processus primaires, en tenant compte des logiques pulsionnelles inconscientes, en tournant les exigences de la censure, et en s’articulant aux idéaux les plus investis. C’est ce qui conduit Freud à définir le rêve comme « la réalisation hallucinatoire de désirs ».
(…) Il est clair que l’évolution de la notion va bien chez Freud dans le sens d’un lien de plus en plus étroit avec une représentation inconsciente, autrement dit avec un signifiant. Toute représentation qui se fixe dans l’inconscient est une trace d’une excitation éprouvée à l’occasion d’un « besoin » quelconque ; quand ce besoin se fait de nouveau sentir, le désir vise à la résurgence ou au réinvestissement de la représentation correspondante.
Le désir constitue de ce point de vue ce que Freud appelle « le capitaliste » dans l’élaboration psychique, autrement dit c’est lui qui fournit l’énergie ou la force nécessaire aux « retrouvailles avec l’objet » par l’entremise de la représentation. Dans la plupart des situations, il constitue un des pôles du conflit inconscient, l’autre pôle étant surtout constitué par l’interdit ou l’épreuve de réalité.
Mais il arrive aussi que s’expriment deux désirs opposés, prenant leur source dans des systèmes psychiques différents, auquel cas il faut que s’élabore un « compromis de désirs ».
La notion de désir se distingue d’autres qui en sont très proches mais qui renvoient à des motions inconscientes de nature différente. Ainsi, en est-il de la compulsion ou de la contrainte qui désignent plus précisément la force qu’exercent certaines représentations en tant que telles au point de parasiter la pensée ou de s’imposer à elle.
C’est le cas aussi pour la pulsion, qui est liée à un fonctionnement somatopsychique spécifique et met en jeu des pôles déterminés appelés poussée, source, objet, but. Le désir se distingue enfin du besoin, qui implique la réalisation d’une exigence réelle et somatique où il trouve sa satisfaction.
La théorie lacanienne a donné au désir une place déterminante et fondatrice, qui correspond à l’attention privilégiée qu’elle accorde aux représentations inconscientes, et plus précisément aux signifiants. Elle a accentué, par le fait même, la distinction entre le désir et certaines des notions qui en sont les plus proches, en particulier le besoin et la demande. Si le besoin vise un objet réel et précis dans lequel il trouve satisfaction, la demande au contraire est adressée à l’autre pour susciter attention et amour.
Le désir selon Lacan naît de l’écart qui s’instaure entre le besoin et la demande : différent du besoin puisqu’il vise un objet fantasmatique, il se distingue de la demande dans la mesure où il attend de l’autre qu’il le reconnaisse et non qu’il lui accorde son amour. Pour Lacan, le désir est toujours d’une façon ou d’une autre « désir de l’Autre » puisqu’il est effet de signifiant : c’est pourquoi il est indissociablement lié au manque ou à l’objet perdu.
(…)
Guy Rosolato rappelle que le désir pousse surtout au dépassement vers un inconnu qui permet au sujet humain d’affronter l’énigme qui l’habite : à partir de quoi il peut poser les questions qui sont sources de toutes recherches. Si cet inconnu est cause du désir, il en est aussi l’objet à condition que se mette en place ce que Guy Rosolato appelle un « objet de perspective » qui le représente.
C’est dans la quête des idéaux que s’effectue cette mise en place, avec une oscillation inévitable entre un « désir pur » lorsque l’idéal se fait négativité ou désir de connaissance lorsque l’idéal intègre la limitation ou la castration sous ses diverses formes. Le désir est finalement inconcevable sans la loi qui en est à la fois le produit et la limite : c’est pourquoi il a le pouvoir de transgresser la loi, tout en trouvant en elle les moyens de se réaliser. »
Le désir (accomplissement du-) ?
« Dans la théorie freudienne, l’accomplissement du désir est une des vocations, un des motifs, voire la loi même des formations inconscientes que sont le rêve, le symptôme hystérique et le fantasme. Il s’agit du désir inconscient, infantile et sexuel, et d’un accomplissement imaginaire en une expression et une représentation plus ou moins déguisées. De ce point de vue, l’accomplissement n’est ni total ni définitif, mais singulier et dynamique. »
Le désir du sujet ?
Pour Lacan comme pour Freud, le désir est l’aspiration du sujet vers un objet fondamentalement perdu. Pour Freud, toute quête d’objet vise en fait des retrouvailles ; Pour Lacan, l’objet du désir se situe derrière lui et se constitue comme cause de ce dernier. »
La dominance ?
Selon le Dictionnaire de psychologie, écrit sous la direction de Roland Doron et de Françoise Parot, « la dominance renvoie à un mode de comportement interpersonnel permettant d’obtenir les objets convoités (symbolique ou non) et de se mettre en position de force dans les compétitions.
En psychologie sociale, lorsqu’elle n’est pas assimilée à un trait proche de l’ascendance, la dominance relève surtout de l’appartenance à des groupes dominants dans les rapports de domination intergroupes (rapports professionnels ou de classes, rapports intersexes).
La domination repose alors sur les structures formelles, sur les barrières intercatégorielles et sur les normes imposées par les groupes dominants.
En éthologie, dominance se réfère à la situation privilégiée que s’arroge par rapport aux individus dominés (V. Soumission) un animal de rang élevé dans une hiérarchie sociale. Dans une hiérarchie linéaire, l’animal A du niveau le plus élevé domine tous les autres, alors que l’individu inférieur W n’en domine aucun. Dans la hiérarchie triangulaire, A domine B qui domine G qui peut dominer A. La dominance s’installe par de brèves interactions interindivividuelles de menace-évitement, non dommageable pour le dominé car hautement ritualisées.
La dominance confère des avantages : primauté d’accès à la nourriture et au gîte de repos ; primauté, voire monopole, d’accès aux femelles fécondes. Elle comporte des responsabilités : conduite du groupe, défense contre les prédateurs.
Aussi, à la notion de dominance, préfère-t-on associer aujourd’hui celle de fonction plutôt que celle de supériorité. La position dominante doit être défendue par des attitudes symboliques vis-à-vis des membres du groupe au sein duquel l’évolution et les changements de statut s’opèrent généralement en douceur.
La tension est plus forte en cas de contestation ou d’éviction, après maladie ou blessure, du dominant ou de son remplacement après sa mort. Les relations de dominance sont complexes, dans la mesure où, dans les sociétés de singes par exemple, les liens filiaux et de parenté se maintiennent et où le statut du jeune est influencé par la position hiérarchique de sa mère et par l’intérêt que le dominant porte à celle-ci.
Des clans liés à la parenté et des coalitions se forment. La position de chacun dépend ainsi de sa naissance, de sa force, de sa personnalité et de son histoire personnelle au cours de sa socialisation.
Ces aspects des rapports de dominance se laissent transposer à l’espèce humaine, où ils s’assortissent cependant de toutes les stratégies élaborées au sein des diverses cultures et qui exploitent souvent des instruments extérieurs à la personne comme l’argent, ou des constructions symboliques, comme les idéologies politiques et religieuses. »
La domination ?
Selon le Dictionnaire de psychologie, écrit sous la direction de Roland Doron et de Françoise Parot, « toute relation interindividuelle dissymétrique, établie sur des ressources inégales des partenaires ou qui s’exerce au travers de pressions, d’obligations et de sanctions qui invitent à la soumission, caractérise un rapport de domination.
La domination peut être légitimée et référée à un statut d’autorité, de compétence ou de prestige. Elle peut entraîner des effets différents selon son caractère public ou privé et selon les modalités coercitives qu’elle utilise.
Liée à un statut d’autorité institutionnalisé, elle peut conduire à une obéissance démesurée. Dans des rapports interpersonnels, la domination peut être recherchée sur un mode masochiste et subie à travers la haine, la violence et l’agression dans un type de rapport qui recherche sa satisfaction dans la défaite d’autrui. »
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La soumission à l’autorité ?
Selon l’ouvrage dirigé par P. Gosling, intitulé Psychologie sociale, Tome 1, L’individu et le groupe, « à l’inverse du conformisme, la soumission à l’autorité implique une pression explicite de la part de la source d’influence. Cette pression se manifeste par des ordres et des injonctions. La seconde condition d’apparition de la soumission est l’existence d’une dissymétrie de statut et de pouvoir à l’avantage de la source d’influence.
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Expérience.
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Déroulement.
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Pour recruter ses sujets, Milgram fait passer une annonce dans la presse locale proposant 4 dollars et une indemnité de déplacement pour participer à une étude sur l’apprentissage. Les candidatures étaient retenues en fonction de l’âge et du niveau socioprofessionnel des candidats. Les sujets de cette recherche étaient, excepté pour l’une des variantes de l’expérience princeps, tous de sexe masculin.
Les sujets sélectionnés étaient accueillis dans les locaux de l’université de Yale, institution jouissant d’un grand prestige. Ils étaient rémunérés et recevaient leurs instructions pour la suite de la recherche.
On leur disait qu’ils auraient à jouer soit le rôle de l’élève, soit le rôle de l’enseignant. Le truquage du tirage au sort leur assignait à chaque reprise le rôle de l’enseignant. Le rôle de l’élève était tenu par un compère, homme d’une cinquantaine d’années arrivé en même temps qu’eux au laboratoire. Il s’agissait, bien entendu, toujours de la même personne.
Cette personne était attachée, sous le regard du sujet, sur une chaise électrique, dans un local adjacent à la salle d’expérience.
La tâche du sujet naïf était de lire plusieurs séries de 4 termes auxquels il associait d’autres termes, puis d’effectuer un test de rappel. Le compère donnait des réponses fausses en suivant une séquence préétablie. Le sujet devait punir le compère à chacune de ses réponses erronées. Pour cela, il disposait d’un générateur électrique, sur lequel étaient disposées 30 manettes, libérant des charges électriques allant de 15 à 450 volts.
Le voltage de chaque manette était indiqué et les manettes étaient elles-mêmes regroupées en catégories d’intensité allant de « choc léger » à « choc dangereux ».
En réalité les chocs électriques n’étaient pas administrés. Cependant, pour rendre la situation plus crédible, le sujet se voyait administrer un choc de 45 volts avant que l’expérience ne débute. La consigne précisait, en outre, que pour chaque nouvelle erreur, il lui fallait augmenter l’intensité du choc. L’expérience s’arrêtait lorsque le sujet était parvenu à donner 3 chocs de 450 volts, les plus dangereux donc, ou lorsqu’il refusait de continuer plus avant.
On faisait varier la nature du feed-back provenant de l’élève : en condition de « feed-back réaliste », le sujet entendait les plaintes de l’élève graduées en fonction du voltage choisi. Pour cela, une bande magnétique était utilisée.
En condition « feedback vocal », la victime suppliait que l’on arrête.
En condition de « feedback à distance », la victime ne se faisait entendre que par les coups qu’elle donnait dans les parois du local où elle se trouvait.
En condition de « proximité », le sujet voyait et entendait l’élève souffrir.
Enfin, en condition de contact, le sujet devait veiller à ce que la victime maintienne sa main sur les électrodes.
Bien entendu, le feed-back était toujours gradué en fonction de l’intensité des chocs électriques délivrés.
L’expérimentateur quant à lui intervenait à chaque hésitation du sujet, pour l’inciter à continuer. Ses incitations, au nombre de 4, étaient graduées, et étaient reprises à chaque hésitation du sujet. Si le sujet refusait d’obéir après la quatrième injonction, l’expérience prenait fin.
Je vous propose de lire le second article intitulé Le désir de domination : Comprendre les enjeux psychologiques et relationnels.
Un troisième article intitulé Le désir de domination : exemples décrit des exemples d’abus et de dérives.
Mots-clés : désir de domination, psychologie du pouvoir, relations toxiques, estime de soi, gestion des comportements dominateurs, thérapie pour domination.
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