L’Inceste : Comprendre et soutenir les victimes. 

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L’inceste est l’un des traumatismes les plus dévastateurs qu’une personne puisse subir. Il implique une violation profondede la confiance et des limites familiales, où un membre de la famille impose des actes sexuels sur un autre, souvent un enfant. En tant que docteur en psychologie, il est crucial de comprendre les dynamiques de l’inceste, les répercussions psychologiques qu’il engendre, et les moyens de soutenir les personnes dans leur parcours de réparation.

Définition de l’Inceste.

D’après le dictionnaire international de psychanalyse, sous la direction de Alain de Mijolla, « on désigne par le terme « inceste » une relation sexuelle interdite entre proches parents, l’interdit étant posé au plan moral et éventuellement formulé juridiquement. En psychanalyse, il s’agit non seulement de comportements de ce type réellement observables, mais aussi et surtout des fantasmes incestueux et de la conflictualité qui en découle.

Freud mentionne pour la première fois ce thème dans une lettre à Wilhelm Fliess datée du 31 mai 1897, où il pose que la « sainteté » procède de l’ « horreur de l’inceste » : un groupe familial originellement marqué par la promiscuité a dû renoncer aux relations sexuelles incestueuses afin de ne pas se replier sur lui-même et d’assurer les échanges avec l’extérieur.

Le thème de l’inceste deviendra par la suite central dans la formulation du complexe d’Œdipe, défini par le conflit entre le désir sexuel adressé au parent de l’autre sexe (dans la version « positive » du complexe) et sa répression ; cela apparaît avec netteté dans les Trois Essais sur la théorie de la sexualité et dans la discussion du « petit Hans ».

(…)

Il ne faut évidemment pas confondre les fantasmes incestueux, présents en tout être humain, et les comportements réels de type incestueux, infiniment plus rares ; il reste que leur abord psychanalytique a permis d’en comprendre beaucoup mieux la genèse et la signification. »

D’après le dictionnaire de psychologie, sous la direction de Roland Doron et Françoise Parot, « il existe des incestes bien réels, dont la connaissance demeure difficile. (…) Au Canada, un rapport très souvent cité, datant de 1986, affirme qu’une femme sur huit aurait subi des « violences sexuelles » (ce qui inclut les attouchements) de la part d’un ascendant direct. Selon la plupart des chercheurs spécialisés, les filles sont deux à cinq fois plus souvent « séduites » que les garçons ; les pères – et plus encore les beaux-pères – et les frères sont les principaux séducteurs ;

l’inceste père-fille ou frère-sœur est beaucoup plus fréquent que l’inceste mère-fils. D’après les descriptions classiques, le père incestueux est un être immature, souvent alcoolique ; la mère est souvent complice ; les conséquences psychologiques pour l’enfant séduit sont dramatiques. Mais ces études portent sur les cas d’inceste divulgués, qui viennent à la connaissance de la justice et des services sociaux, et qui concernent des milieux sociaux défavorisés.

Or l’inceste semble répandu dans tous les milieux. Par ailleurs, certains auteurs estiment que les conséquences sociales et judiciaires de la divulgation de l’inceste (interrogatoires, sentiments de culpabilité pour avoir trahi le séducteur en témoignant contre lui, réactions de curiosité ou de rejet de l’entourage, etc.) sont aussi traumatiques que la séduction incestueuse elle-même. »

Il est important de prendre de la distance et de la hauteur vis-à-vis de ces définitions. Nous ne pouvons parler de séduction, à mon avis lorsqu’il y a emprise et autorité d’un ascendant direct.

J’ai souvent entendu parler de menace ou d’intimidation comme « Si tu le dis à maman (pour le cas d’un frère incestueux, elle ne te croira, elle dira que c’est toi qui m’as provoqué » ou « Ne le dis surtout pas, je risque d’aller en prison, tu ne voudrais pas que j’aille en prison hein ? » (de la part d’un père à sa fille).

L’exemple de Vahina Giocante est assez instructif dans ce sens.

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https://m.facebook.com/watch/?v=301253372773252&vanity=septahuitofficiel

Il est aussi important de prendre conscience que ces méfaits se situent également dans les milieux sociaux favorisés.

L’histoire de Mathilde Brasilier, journaliste, architecte et écrivaine, est racontée dans un livre intitulé Le jour, la nuit, l’inceste.

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https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/l-inceste-quand-l-histoire-refait-surface-3899982

Non seulement il y a menace mais également passage à l’acte, comme un père qui peut dire à sa fille de prendre le fusil pour le tuer en la culpabilisant d’avoir mentionné les faits à sa mère. Et même si le dictionnaire parle de traumatisme plus important lors de la dénonciation du prédateur, dans l’exercice de ma profession, il y a souvent un sentiment de réparation de l’avoir dit auprès d’un professionnel de la santé ou divulgué auprès des autorités juridiques. Je mesure les bienfaits à long terme. Que la justice soit faite est un sentiment primordial pour les victimes, afin de se sentir une bonne fois pour toute protégées.

L’inceste désigne donc toute relation sexuelle non consensuelle entre des membres d’une même famille. Il s’agit d’un acte d’abus de pouvoir et de contrôle, où l’agresseur exploite la proximité, la confiance et l’autorité que lui confère sa position au sein de la famille pour perpétrer des violences sexuelles. Les victimes peuvent être des enfants, des adolescents, ou même des adultes vulnérables, et les agresseurs peuvent être des parents, des frères ou sœurs, des grands-parents, des oncles ou tantes, ou tout autre membre de la famille élargie.

Les Conséquences Psychologiques de l’Inceste.

Les conséquences de l’inceste sont multiples et souvent durables. Elles affectent non seulement la victime, mais aussi la dynamique familiale et le bien-être des générations futures. Voici quelques-unes des répercussions psychologiques les plus courantes :

1.Traumatisme et Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT) : L’inceste entraîne souvent un traumatisme profond qui peut se manifester par des flashbacks, des cauchemars, une hypervigilance, et un sentiment constant de danger. Les victimes peuvent développer un SSPT, caractérisé par des souvenirs intrusifs, un évitement de tout ce qui rappelle l’événement, et des réactions émotionnelles intenses.

Cette régression émotionnelle survient quand la personne subit un accident de la vie comme un burnout ou un accident de la circulation et se retrouve impuissante dans ses faits et gestes. Ce sentiment d’impuissance vient réveiller ce traumatisme profond que la personne a pu occulter soit volontairement soit inconsciemment pour se protéger.

2.Troubles de l’Attachement : Les victimes d’inceste peuvent éprouver des difficultés à former des relations saines et sécurisantes à l’âge adulte. Leurs expériences peuvent créer une méfiance généralisée envers les autres, ou au contraire, une dépendance émotionnelle excessive, les empêchant de développer des relations « équilibrées ». Ce qui ne signifie pas que les personnes ne développant par de relations « équilibrées » aient subi un inceste. Je souligne que le terme « équilibré » implique un sentiment de sécurité et de confiance chez la personne dans sa relation de couple.

3.Honte et Culpabilité : Un sentiment de honte et de culpabilité est courant chez les survivants d’inceste, souvent exacerbé par l’agresseur qui manipule la victime en lui faisant croire qu’elle est en partie responsable de l’abus.

Cette culpabilité injustifiée peut persister longtemps après la fin des abus, affectant l’estime de soi et l’identité de la victime. Ce sentiment de culpabilité a été soit appuyé par l’agresseur lui-même soit par la personne qui a pris l’agresseur en flagrant délit d’inceste. Je me souviens d’un cas où la mère a culpabilisé sa fille huit ans d’avoir fait une fellation à son grand-frère de quinze ans… Ce qui montre l’importance de l’écoute et de la protection de ces enfants…

Parce qu’il faut le rappeler, toute divulgation de ces méfaits ébranle catégoriquement et systématiquement le système familial. Je me souviens d’avoir accompagné une petite fille de neuf ans, qui après une à deux séances m’a dit en pleurant : « Pourquoi il m’a fait ça ? » Son père incestueux a été mis en prison et la famille paternelle a soumis sa mère à des reproches répétitives…

4.Dissociation : Pour survivre à l’inceste, certaines victimes développent des mécanismes de défense comme la dissociation, où elles se détachent mentalement et émotionnellement de leur propre corps ou des événements traumatiques. Cette dissociation peut interférer avec leur capacité à rester connectées à la réalité et à leurs propres émotions.

5.Dépression et Anxiété : La douleur émotionnelle causée par l’inceste peut conduire à une dépression sévère et à des troubles anxieux. Les sentiments d’impuissance, de désespoir et de peur constante sont fréquents, et peuvent nécessiter une intervention thérapeutique à long terme. La peur notamment de blesser les proches, d’être rejeté, pas entendu, pas écouté et pas compris domine, chez les adultes.

Après avoir passé toute une vie à côtoyer un frère incestueux, en devant se taire et en plus en étant obligé de lui faire la bise par exemple, c’est là que la dépression et l’anxiété peuvent prendre le dessus.

6.Troubles du Comportement Alimentaire et Addictions : Les victimes d’inceste cherchent parfois à anesthésier leur douleur ou à reprendre un certain contrôle sur leur vie à travers des comportements autodestructeurs, tels que les troubles alimentaires, l’abus de substances, ou l’automutilation.

L’alcool est prédominant, en général, dans ces cas d’inceste. Il arrive que la victime soit attirée de façon obsessive vers cette substance, habituée toute sa vie à voir ses aînés à se livrer à cette pratique et surtout ressentant l’impact à court terme de cet enivrement, désinhibant… et le recherchant sans cesse…

Tentons d’Identifier l’Inceste.

L’inceste est souvent caché, protégé par un silence imposé et la peur des représailles. Cependant, certains signes peuvent indiquer qu’un enfant ou un adulte est victime d’inceste :

  1. Changements Comportementaux : Un enfant victime d’inceste peut manifester des changements soudains dans son comportement, tels que l’agressivité, l’isolement, la régression (par exemple, un retour à des comportements infantiles), ou une peur inexpliquée de certains membres de la famille.

  1. Problèmes Scolaires ou Professionnels : Les difficultés à se concentrer, les chutes de performance scolaire ou professionnelle, et l’absentéisme fréquent peuvent être des indicateurs d’un traumatisme sous-jacent.

  1. Symptômes Physiques : Les douleurs abdominales, les troubles du sommeil, les maux de tête récurrents, et d’autres symptômes somatiques peuvent être des manifestations physiques du stress et du traumatisme liés à l’inceste.

  1. Comportements Sexuels Inappropriés : Un enfant exposé à des actes incestueux peut reproduire des comportements sexuels inappropriés pour son âge, montrant une connaissance anormale ou un intérêt excessif pour les questions sexuelles.

  1. Déclarations ou Allusions : Parfois, l’enfant ou l’adulte peut faire des allusions voilées à l’abus, ou exprimer son malaise de manière indirecte. Il est crucial d’écouter attentivement ces signaux et de prendre toute révélation au sérieux. Souvent, les enfants victimes d’inceste arrivent à le dire, de façon détournée, encore faut-il que les adultes ne se noient pas dans un déni trop épais, taisant pour une longue période la voix de l’enfant. Nous pouvons comprendre qu’il soit difficile de penser, ne serait-ce qu’imaginer que cela puisse se dérouler au sein de sa propre famille…

Soutenir les victimes de l’Inceste.

Le soutien aux survivants de l’inceste nécessite une approche sensible, respectueuse et informée. Voici quelques stratégies clés pour les aider dans leur processus de guérison :

  1. Écoute et Validation : Il est essentiel de créer un espace sûr où les survivants peuvent partager leur histoire sans crainte d’être jugés ou blâmés. Les écouter activement et valider leurs émotions sont des premières étapes cruciales pour leur guérison. (lien psychologie sociale).

  1. Thérapie Traumatique : Un suivi thérapeutique spécialisé, comme la thérapie par l’hypnose, lEMDR(désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), peut aider les survivants à traiter leur traumatisme et à reconstruire leur vie. (Lien réservez votre séance).

  1. Renforcement de l’Estime de Soi : Travailler sur l’estime de soi et l’identité personnelle est fondamental pour les survivants. Les aider à se voir comme dignes de respect et de bonheur peut les soutenir dans leur parcours de guérison. (lien psychologie sociale)

  1. Reconstruction des Relations : Les survivants peuvent avoir besoin d’aide pour réapprendre à établir des relations saines, basées sur la confiance et le respect mutuel. Le soutien thérapeutique peut inclure des séances de thérapie individuelle, de couple, ou familiale. (lien réservez votre séance)

  1. Éducation et Sensibilisation : Éduquer les familles, les éducateurs et les professionnels sur les signes de l’inceste et sur la manière de réagir est crucial pour prévenir les abus et intervenir rapidement lorsqu’ils se produisent.

Conclusion

L’inceste est un traumatisme profond qui laisse des séquelles durables sur le plan émotionnel, psychologique et physique. Comprendre ses mécanismes, identifier ses signes et offrir un soutien approprié aux survivants sont des étapes cruciales pour les aider à se reconstruire. En tant que société, nous devons briser le silence autour de l’inceste et créer un environnement où les survivants se sentent en sécurité pour parler, guérir et reconstruire leur vie.

Mots-clés : inceste, abus sexuel familial, conséquences psychologiques, soutien aux victimes, thérapie pour trauma, violence sexuelle, briser le silence, prévention de l’inceste.

@copyright : J’autorise la citation de mes textes sous réserve que la source soit citée et mise en lien.

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