Article 36.1.
Le suicide est un sujet difficile à aborder, mais il est crucial d’en parler, et de comprendre. Chaque année, des millions de personnes dans le monde luttent contre des pensées suicidaires, et malheureusement, beaucoup passent à l’acte. Comprendre les causes sous-jacentes, reconnaître les signes avant-coureurs et savoir comment offrir un soutien peut sauver des vies.
Dans cet article, nous aborderons les aspects psychologiques du suicide, les mesures de prévention et comment intervenir si quelqu’un que vous connaissez est en détresse. Ce guide complet est rédigé par le docteur en psychologie Andriana Joéline pour aider à sensibiliser et à soutenir ceux qui en ont besoin.
Introduction : Un Problème Global aux Conséquences Dévastatrices.
Une phrase page 197, dans l’ouvrage de François Lebigot, intitulé Traiter les traumatismes psychiques. Clinique et prise en charge, m’a marquée : « Je me demande si je n’aime pas envisager que rien dans ma situation ne s’arrange pour que le pire devienne une solution ». C’est une phrase parmi d’autres dans la retranscription d’un témoignage développé sous le titre d’un chapitre 11: Cinq observations de prises en charge (…) Le cauchemar et le rêve dans le traitement de la névrose traumatique : Piotr (…) Le poids de la faute.
1. L’exemple de Piotr.
Voici un extrait : « Son beau-père battait souvent le sujet, et avec une grande violence. Il était d’ailleurs ce qu’on pourrait appeler un sale gosse. Un jour il est saisi d’une haine subite à l’égard de l’aîné de ses demi-frères et le frappe comme s’il voulait le tuer :
« J’avais subi le bourreau et j’étais devenu bourreau à mon tour. (…) Quand j’étais enfant j’ai pensé que je n’avais pas besoin de l’affection d’un père et d’une mère, que je pouvais me débrouiller seul, je rêvais de succès éblouissants. »
L’évocation de ces souvenirs marque l’ouverture d’une période dangereuse. Certains jours, il absorbe une dose de bière modérée mais suffisante pour le mettre dans un état particulier où il commet des actes inquiétants, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital : bagarres dans les bras, menaces envers le personnel de sécurité, vol de voiture, fugue en province, etc. Une fois il terrorise une aide-soignante qui est persuadée qu’il va la violer. Il ne se souvient pas toujours exactement de ce qui s’est passé :
« Quand j’ai fait ces conneries, je ne sens pas de remords. Je ne me sens coupable que d’avoir à m’en expliquer devant vous. »
Il finit par prendre conscience qu’il dépasse les limites à la suite de menaces très sérieuses de son médecin » Et c’est là que survient la fameuse phrase : « Je me demande si je n’aime pas envisager que rien dans ma situation ne s’arrange pour que le pire devienne une solution »
« La période se conclut sur un cauchemar, qui sera le dernier. C’est en Afrique. Il part en mission avec des camarades pour faire du « renseignement » dans un village. Ils font la fête, tuent, violent. A la fin, il est dans une case avec deux camarades (ceux qui faisaient la punition avec lui). Trois villageois surgissent avec des fusils et les mettent en joue. L’effroi le réveille.
La mort apparaît comme une sanction de fautes majeures, de crimes œdipiens. Et la structure du cauchemar est identique à celle de l’événement traumatique : « fête », sanction. Piotr y reconnaît, lui, en plus la structure de ses passages à l’acte qui le « conduisent au désastre ». Sans transition, il conclut cet entretien par le constat douloureux qu’il n’est pas digne d’être aimé.
2. Rêves et Cauchemars.
A six mois de traitement, c’est un rêve qui va se charger de l’événement traumatique. Il revient à Djibouti. Ses camarades sont là. Ceux qui lui sont hostiles parmi les cadres non, ni le lieutenant. Il leur raconte ce qui s’est passé, l’« accident ». Ils sont étonnés et il se laisse aller à des paroles de haine contre ses persécuteurs. Puis il joue à un jeu vidéo avec un camarade, une bataille de chars.
Donc, dans ce rêve, plus d’images de la scène, celle-ci est racontée. Comme ses camarades du rêve, Piotr aussi est étonné de ce qui s’est passé. Il avait confiance dans ses chefs. Le regard du lieutenant lui fait penser au regard de sa mère quand son beau-père le frappait. Il y cherchait une aide et n’y trouvait que de la pitié. Il lui est arrivé plus d’une fois, au cours de la psychothérapie, d’exprimer envers elle une haine égale à celle qu’il voue maintenant à la Légion. Dans peu de temps, ce sera à son tour d’éprouver envers sa mère plutôt de la pitié.
Avant d’en arriver là, il faudra qu’il se livre à un nouveau et dernier passage à l’acte.
La nuit suivante, il rêve qu’il est au tribunal (il a porté plainte contre la Légion), son avocat à côté de lui. En face dans le prétoire, le lieutenant s’esclaffe : « Tu n’y arriveras jamais. » Le commentaire du sujet est le suivant :
« Je voudrais pouvoir dire aux gens : « Je suis en psychiatrie mais ce n’est pas de ma faute », mais alors, j’aurais le sentiment de mentir. »
Le travail psychothérapique de Piotr se termine là. Il a trouvé une gentille petite compagne et prépare sa reconversion dans le civil. Le traitement est arrêté progressivement. »
3. Ce que j’en pense.
Piotr est un exemple de pris en charge dans le traitement de la névrose traumatique. Pour ma part, Piotr est un cas particulier qui peut être commun à toutes les personnes ayant subi un déracinement de son pays natal, un sentiment d’abandon en lien à la fois avec sa mère, son père et son beau-père avec trois manières bien distinctes d’agir soit face à lui soit contre lui.
Tout commence par la séparation de ses parents lors de ses trois-quatre ans, en lien avec l’alcoolisme du père. Son histoire continue avec un déracinement de sa Pologne natale lors de ses dix ans, le suicide de son père, et la violence de son beau-père. Il éprouve le besoin de se confronter à la mort : la légion dans laquelle il est brillant mais encore pas « reconnu » et même brimé par un lieutenant qui lui rappelle ses « bourreaux » d’enfance et d’adolescence.
Cet engagement dans la légion trouve chez lui la pire des solutions pour vérifier sa conviction qui était : que « si je me fais tuer, personne ne s’en apercevrait ». Résultat, il a tenté de se suicider plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il soit pris en charge complètement, dans cette oscillation entre culpabilité, victimisation et vulnérabilité.
Je m’approprie cet exemple parce qu’il me parle sincèrement. Je remercie l’auteur de cet ouvrage de l’avoir rédigé. Piotr me touche parce qu’il me rappelle une personne qui s’est engagée dans les commandos pour toutes les raisons avancées : abandon familial (de la mère et du père, la mère qui le confie à une autre mère parce que malade et parce que le père ne l’a pas reconnu officiellemment, absence de reconnaissance, déracinement, battu, humilié, isolé, fuyant et s’engageant dans l’armée pour se reconnaître comme utile dans la recherche d’une grande famille portant le même uniforme, dans la confrontation directe à la mort, atteint de crises d’épilepsie, obligé de partir de ce groupe, pour se sentir à nouveau abandonné et méconnu, tombant dans la dépression et l’isolement à nouveau.
C’est à se demander combien de personnes dans ce monde sont à ce point vouées à elles-mêmes, incapables de trouver une solution positive et pérenne. Comme si se confronter à la mort était plus douce que de tenter de rester en vie et de rechercher des issues constructives.
Mais encore faut-il, que lorsque ces personnes, dès lors qu’elles réussissent, ou s’accomplissent de façon surprenante dans un domaine particulier, ne rencontrent pas des similitudes de comportement traumatique provoquées par d’autres personnes.
Piotr a retrouvé son beau-père violent, sa mère passive et abandonnique, son père alcoolique dans ce lieutenant, le traitant d’alcoolique alors qu’il ne buvait que de l’eau, (sauf lors des « fêtes »), le traitant de bon à rien et le réprimandant de façon violente (« casser à la masse une dalle en béton, aux heures chaudes et sous le soleil ardent. Ils sont encore alcoolisés et Piotr en est à sa deuxième nuit sans sommeil) avec l’un de ses camarades pour avoir été les plus hauts gradés, et avoir commis quelques dégâts, à Djibouti, lors d’une soirée bien arrosée.
« Très vite, il se sent défaillir, avec la conviction qu’il va mourir. Ses genoux fléchissent et il croise à ce moment le regard du lieutenant dans lequel il lit une haine indicible. Il sombre dans le coma (…) Il présente une fièvre élevée et des convulsions. (…) Le coma persiste plus de 48 heures. (…) Une asthénie, des céphalées, des troubles du sommeil apparaissent rapidement, puis un état dépressif qui conduit le médecin du corps à l’hospitaliser en psychiatrie à l’hôpital militaire (…)
C’est là qu’il a ses premiers cauchemars, reproduisant l’événement. Mais aussi s’installent des idées délirantes de persécution, et il tente de se défenestrer (…) Nous recevons un garçon mélancolique, persuadé que la Légion est partout (…) Le but final de cette manigance est de le tuer discrètement. »
4. Le souvenir du traumatisme.
Parce que le souvenir du traumatisme ou des traumatismes restent cachés, profondément ancrés dans le cerveau et le corps, qu’il est difficile voire impossible de le dénicher pour le régler à moins qu’il revienne à grand bruit, sans qu’on l’attende, sans qu’on ne s’y soit assez penché pour clairement identifier un malaise, passant une grande partie de sa vie à nier son importance, son impact sur les choix, les orientations du sujet.
Aucun trauma n’est anodin, et c’est pourquoi j’exerce ce métier… (Réservez votre séance) et que je m’allie le plus souvent avec des psychiatres pour démêler l’histoire de chacun et tenter d’aboutir à des issues positives, tout particulièrement lorsque la personne est volontaire et assidue pour se soigner et être pris en charge. Dans le cas contraire, inutile de vous dévoiler l’issue.
Bien sûr, il est des histoires qui confrontent à la mort sans qu’il y ait ces facteurs de délitement, d’absence de reconnaissance d’une existence qui ne demande qu’à être meilleure, à se distinguer par ses qualités et son excellence. Il suffit d’une personne malveillante et destructrice pour éveiller ou réveiller un tel traumatisme qu’il est complexe de s’en relever et de reprendre une vie qui trouve du sens, de la sérénité et de la solidité.
Voici un lien présentant Asia Argento, actrice Italienne, racontant ses deux viols et le suicide de son ex-compagnon :
https://www.facebook.com/share/v/cKdYJvVT2qNQf47/?mibextid=KsPBc6
5. Le suicide dans le Monde.
Malheureusement, le suicide est l’une des principales causes de décès dans le monde, touchant des individus de tous âges, sexes et milieux socio-économiques. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 700 000 personnes meurent par suicide chaque année, et pour chaque suicide, on estime qu’il y a vingt autres tentatives. Derrière chaque chiffre se cache une histoire de souffrance silencieuse, de désespoir, et d’un besoin profond d’aide et de compréhension. Comprendre les facteurs qui mènent à des pensées suicidaires, et agir à temps, peut faire la différence.
Voici l’exemple de Christophe Dominici, ancien rugbyman français, qui semble-t-il s’est suicidé à l’âge de 48 ans, un suicide que sa femme Loretta réfute:
Le manuel de psychiatrie clinique et psychopathologique de l’adulte, sous la direction de Vassilis Kapsambelis écrit :
« Le taux de suicide est l’un des indicateurs les plus utilisés pour comparer la santé mentale entre les pays et pour suivre les évolutions. Le suicide est l’une des principales causes de décès dans la plupart des pays, en particulier chez les sujets âgés de 15 à 34 ans.
Selon l’OMS, il existe des écarts très importants des taux de suicide en Europe, allant de 47 pour 100 000 en Lituanie à 3 pour 100 000 en Grèce voire 2 pour 100 000 en Arménie ou en Albanie.
On comptait 10 660 décès par suicide en France en 2003 (3eme rang européen), sous-évalué de 20%, ce qui ramène ce chiffre à 13 000 (Mouquet et Bellamy, 2006). Ce taux a considérablement baissé ces vingt dernières années grâce aux politiques de prévention de suicide.
Il est plus élevé chez les hommes que chez les femmes, chez les sujets âgés que chez les jeunes, à Paris qu’en province, chez les célibataires et les veufs que chez les personnes mariées. Il est plus fréquent le jour que la nuit, au début de la semaine qu’à la fin, au printemps et en été qu’en automne et en hiver.
L’ « autopsie psychologique » des personnes suicidées met en évidence l’existence d’un problème psychiatrique dans une majorité des cas. Les diagnostics les plus souvent observés sont le trouble bipolaire, la dépression, l’alcoolisme, la schizophrénie et les troubles anxieux (Bourgeois, 1994, Inskip et al., 1998). »
J’espère que vous comprenez maintenant ce qui régit cette thématique délicate et douloureuse.
Je vous propose de continuer la lecture d’autres articles liés à cette thématique.
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