Article 36.5.
1. Les Méthodes de Prévention : Comment Agir à Temps ?
La prévention du suicide repose sur plusieurs stratégies : l’éducation, la prise en charge psychologique, et un soutien social adéquat. Agir à temps peut littéralement sauver des vies. Dans cette section, nous décrivons les meilleures pratiques et approches pour intervenir efficacement.
1.1. Éduquer et sensibiliser : L’importance de parler ouvertement du suicide.
Selon le Manuel de psychiatrie, écrit sous la direction de Julien-Daniel Guelfi et Frédéric Rouillon, « se reconnaître psychologiquement malade est beaucoup plus difficile que d’exprimer à un médecin un symptôme somatique. De surcroît, la crainte de devenir « fou » ou d’être reconnu comme tel est souvent implicite dans une société où la maladie mentale est encore stigmatisée. (…)
L’attitude du psychiatre doit ici s’efforcer d’être rassurante et de limiter la recrudescence de l’anxiété qu’entrainerait une attitude excessivement neutre et silencieuse, voire froidement indifférente. Néanmoins, répondre à l’angoisse du patient par une banalisation de la situation, par une chaleur affective superficielle ou des propos systématiquement rassurants serait à la fois inefficace et peu crédible.
Contrôler l’angoisse durant l’entretien est nécessaire pour favoriser l’expression du patient, mais y répondre systématiquement en la disqualifiant empêche un échange réel et interdit de comprendre les ambiguïtés et les nuances authentiques de la demande d’aide. »
Il est ainsi primordial de parler du suicide ouvertement afin de percer le tabou et manier le sujet avec authenticité et écoute.
1.2.. Offrir un soutien émotionnel : Écouter sans juger.
« L’écoute est donc nécessaire, pour repérer les contenus que privilégie le sujet, aussi bien que ses ponctuations émotionnelles ou les détours et ruptures spontanés du fil de son discours. Elle permet aussi au praticien de prendre une certaine distance, et de mieux cerner ses propres réactions affectives, dans la relation interpersonnelle qui est en train de s’établir.
Le praticien s’efforce aussi de percevoir, à l’aide de ce qu’il ressent lui-même, ce que peut être l’expérience que vit son patient dans l’instant. »
1.3. Encourager à chercher de l’aide professionnelle : Quand et comment orienter vers un thérapeute.
Dès que vous entendez le mot suicide, dès que vous voyez un comportement limite qui met en danger non seulement le sujet mais aussi son entourage, je vous propose de le diriger vers un thérapeute, un psychiatre.
Ici, j’aimerais mettre en lumière les dangers de l’imitation aussi appelé l’ « effet Werther ». « Le sociologue Philips a étudié aux Etats-Unis les statistiques relatives au suicide entre les années 1947 et 1968. Ses travaux lui ont permis de démontrer l’existence d’une corrélation entre la publicité faite autour d’une histoire de suicide et le nombre de personnes qui mettaient fin à leur jour peu de temps après la diffusion de ce fait.
Dans les deux mois qui suivent la publication dans la presse d’un suicide (concernant souvent une personnalité connue et respectée du public), il y a en moyenne cinquante-huit suicides de plus que d’ordinaire ! C’est ce qu’on appelle l’ « effet Werther » : après la diffusion d’un fait divers relatant le cas d’un suicide d’une personnalité célèbre, on observe une augmentation très nette du nombre de suicides dans les zones où cette nouvelle a fait l’objet d’une large publicité.
Philips explique ces résultats tout à fait surprenants par l’imitation. Certains individus en difficulté, après avoir appris le suicide de quelqu’un, décideraient que le suicide est, pour eux aussi, un acte approprié.
Les obstacles personnels et/ou moraux qui les empêchaient jusque-là de mettre à exécution cette issue tragique seraient à ce moment désinhibés. Ces découvertes, qui ont été vérifiées depuis, incitent à réfléchir aux problèmes de la médiatisation faite autour des suicides aussi bien dans la presse écrite qu’à la télévision, d’autant plus que d’autres données statistiques, à première vue inexplicables, semblent corroborer ce lien.
Cialdini considère une statistique étrange à laquelle il tente d’apporter une explication à partir de ce qu’il sait de l’ « effet Werther ». On a en effet observé que, quelques jours après la diffusion d’un cas de suicide sensationnel, le nombre de crash d’avions de ligne ou privés augmente considérablement. Le nombre de personnes tuées augmente de mille pour cent !
On peut faire le même constat quant à la montée en flèche du nombre de tués dans les accidents de la route. A ce phénomène particulièrement déroutant s’ajoutent deux autres distinctions qui ont leur importance pour la compréhension de ces résultats.
- Le nombre d’accidents mortels, que ce soit dans le cadre du pilotage d’un avion ou de la conduite automobile, se multiplie seulement dans les régions où l’annonce du suicide a fait l’objet d’une vaste publicité.
Plus la médiatisation est forte, plus l’augmentation du nombre d’accidents est élevée. Il semble bien que ce soit la publicité donnée au suicide qui provoque des accidents de voiture et d’avion.
- Lorsque le fait divers relate l’histoire d’un suicide « individuel » (une seule personne se donne intentionnellement la mort), alors ce sont seulement les accidents où n’est impliquée qu’une personne qui deviennent les plus fréquents.
Par contre, si l’histoire concerne un suicide combiné au meurtre, ce sont seulement les accidents faisant plusieurs victimes qui se multiplient. Comment expliquer ces résultats ?
Selon Cialdini, tous ces accidents seraient en fait des « cas dissimulés de suicide imitatif ». Plutôt que se donner la mort de la façon la plus directe mais aussi la plus apparente, les personnes à l’origine de ces accidents agiraient de façon moins directe.
Il peut tout aussi bien s’agir d’un pilote d’avion qui ne respecte pas les instructions de la tour de contrôle que du conducteur d’une voiture qui double sans prudence ou du passager qui gêne le conducteur à un moment particulièrement délicat. Tous ces constats relèvent d’une même explication générale que Cialdini évoque par la notion de « la preuve sociale ».
Dans son ouvrage, Cialdini distingue six formes différentes de persuasion et parmi elles, celle de la preuve sociale ; A chacune de ces six catégories correspond un principe doté d’un pouvoir particulier. Ils provoquent tous une adhésion automatique de la part des individus, sans réflexion préalable et réfléchie de leur part.
Selon ce principe, les gens déterminent le bien fondé de leurs comportements en regardant ce que font les autres. En d’autres termes, nous avons tendance à croire qu’un comportement est approprié dès lors que d’autres personnes l’adoptent.
Si la mise en œuvre de ce principe est le souvent sans gravité pour les individus, elle peut avoir des effets beaucoup plus pervers. C’est le cas lorsque l’on connaît la corrélation étroite qui existe entre la médiatisation des récits de suicide et le nombre de suicidés, d’une part, et avec le nombre d’accidents mortels d’autre part.
Il s’agit là d’une illustration tragique du principe de la preuve sociale : les gens qui se donnent la mort directement ou dans un accident déterminent leur comportement à partir des actes d’autres personnes, comme eux, en difficulté. La similarité est en effet un facteur essentiel dans le comportement de l’imitation.
(…)
La puissance de la preuve sociale semble particulièrement étendue puisqu’il influe jusqu’à notre décision fondamentale de vivre ou de mourir. De ce point de vue, l’impact de la publicité donnée aux suicides a une influence : la médiatisation d’actes aussi tragiques confère une certaine légitimité à l’acte.
Si les suicides largement diffusés par les médias tendent à être contagieux, et c’est là un constat, il en est de même pour les comportements d’agression. Ainsi, les dernières recherches de Philips montrent que la médiatisation des actes de violence stimulerait des homicides imitatifs. La force du principe de la preuve sociale et l’influence considérable des médias devraient inciter à évaluer les effets de la publicité donnée à de tels événements. »
Dans Psychologie sociale, tome 1, L’individu et le groupe, dirigé par P. Gosling.
1.4. Création d’un environnement sécurisé : Limiter l’accès aux moyens de se faire du mal.
1.5. Conseils pratiques :
– Si quelqu’un exprime des pensées suicidaires, rester calme et poser des questions ouvertes pour comprendre l’étendue de sa souffrance.
– Ne jamais minimiser la gravité de la situation, même si la personne semble aller mieux par moments.
– Diriger la personne vers un professionnel de la santé mentale et, si nécessaire, appeler un numéro d’urgence ou une ligne d’assistance.
2. Les Approches Thérapeutiques pour Prévenir le Suicide.
Le rôle de la thérapie dans la prévention du suicide est crucial. De nombreuses approches thérapeutiques, comme l’hypnothérapie ou la thérapie via la méthode EMDR, ont montré des résultats positifs pour réduire les pensées suicidaires.
– Thérapie par l’hypnose : Changer les schémas de pensée destructeurs.
– Thérapie par la méthode EMDR : Gestion des émotions intenses.
– La thérapie familiale : Soutien du réseau social et familial.
-La gestion des crises : Comment la prise en charge immédiate peut prévenir un acte suicidaire.
Conseils pratiques :
– Encourager les individus à chercher une aide professionnelle lorsqu’ils ressentent des pensées suicidaires.
– Discuter des options thérapeutiques avec un docteur en psychologie pour trouver l’approche qui convient le mieux au sujet en crise.
3. Comment Aider un Proche en Détresse : Ce que Vous Pouvez Faire.
Si vous suspectez qu’un ami, un membre de la famille ou un collègue traverse une crise suicidaire, il est naturel de se sentir désemparé. Cette section donne des conseils pratiques sur la manière d’intervenir et d’offrir un soutien sans être intrusif ou maladroit.
– Écouter activement : Comment offrir une oreille bienveillante.
Bien évidemment, la personne la mieux placée pour écouter avec une oreille bienveillante est un professionnel de la santé mentale. D’où l’importance d’orienter le sujet rapidement vers un centre de soin ou un professionnel.
– Éviter les jugements ou les conseils hâtifs : L’importance de l’empathie. L’empathie s’apprend et se ressent. Il est primordial de comprendre que cette qualité n’est pas innée.
– Encourager à parler à un professionnel : Pourquoi orienter vers un spécialiste est crucial.
Il arrive que la demande du sujet soit influencée par un tiers. « C’est un cas de figure assez fréquent dans le domaine des conflits familiaux et conjugaux sous-tendus par des facteurs psychopathologiques.
Encore doit-on clarifier ce qui revient à chacun et quelles interactions sont en jeu. L’examen simultané des partenaires du conflit est souvent utile, mais pratiquement jamais d’emblée, dans la mesure où le praticien, vite installé dans la position de l’arbitre d’une situation dont il ignore tout, pourra difficilement fonctionner comme ce qu’il doit être : clinicien et thérapeute.
Il est toujours préférable de s’entretenir d’abord, et autant qu’il se faudra, avec le sujet porteur de la demande, sans le confronter dans les croyances que sa pathologie est seule en cause, mais sans pour autant inverser la situation. Aider le sujet à repérer et à délimiter ses propres difficultés l’aidera aussi à ne pas se soumettre totalement au rôle qui lui est assigné. Il en va bien sûr de même devant certains adolescents dont les comportements entraînent d’importantes difficultés dans la famille, et où l’expérience montre généralement qu’ils ne résument pas toujours la pathologie du groupe familial. »
Tiré du Manuel de psychiatrie, écrit sous la direction de Julien-Daniel Guelfi et Frédéric Rouillon
– Intervenir en cas d’urgence : Que faire si la personne est en danger immédiat ?
Il est crucial de rester près du sujet et d’appeler les urgences psychiatriques, parce qu’il existe des demandes d’examen émanant de l’entourage, sans être acceptée par le patient. « Cette situation n’est pas rare au cours des consultations de psychiatrie d’urgence, notamment pour les patients souffrant de psychoses délirantes.
Elle nécessite de dissiper certaines ambiguïtés, sans que cela soit toujours possible, du seul fait que l’examen ne répond pas au seul désir du malade.
Il faut, bien entendu, prendre le temps de s’enquérir de la situation du patient et de sa famille, de ses motivations, de son seuil de tolérance et de la demande de soins qu’elle formule pour l’intéressé. Le psychiatre doit essentiellement apprécier l’intérêt du patient et ne pas prendre parti dans un conflit familial.
Il lui faudra faire accepter son examen et ses éventuelles conséquences, en expliquer les raisons et répondre aussi authentiquement que possible aux questions de chacun. Il s’interdira les subterfuges parfois proposés par des familles anxieuses ; c’est en tant que psychiatre qu’il procède à un examen ; le malade doit le savoir et savoir pourquoi.
Rappelons aussi une évidence : aussi tronqué et difficile que puisse être parfois l’examen, il doit obligatoirement avoir lieu s’il conduit à un certificat de placement. Même à propos d’un patient que l’on connaît bien, et font on sait le passé pathologique, même si les faits actuels sont rapportés par une personne à qui l’on se fie, et quel que soit le caractère dramatique de la situation décrite, on ne peut rien dire, et a fortiori rien certifier, à propos d’un examen clinique qui n’a pas eu lieu »
Tiré du Manuel de psychiatrie, écrit sous la direction de Julien-Daniel Guelfi et Frédéric Rouillon.
Conseils pratiques :
– Proposer de l’accompagner à une première séance de thérapie si la personne se sent réticente à aller seule.
– Éviter de dire des phrases comme « ça va aller » ou « tu n’as pas de raison de te sentir comme ça », car cela minimise leur douleur.
Conclusion : Créer une Société Plus Inclusive et Soutenante.
La prévention du suicide ne repose pas uniquement sur l’individu, mais sur l’ensemble de la société. En brisant les tabous autour du suicide, en encourageant la recherche d’aide et en offrant un soutien continu, nous pouvons tous contribuer
Les autres articles sur ce sujet sont visibles sur les liens suivants :
–Article 36.1. Suicide : Comprendre.
–Article 36.2. Suicide : définitions.
–Article 36.3. Suicide : les Causes, Facteurs de Risque et Déclencheurs.
–Article 36.4. Suicide : Prévenir.
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